{"id":4539,"date":"2019-04-19T14:54:41","date_gmt":"2019-04-19T12:54:41","guid":{"rendered":"https:\/\/highatlasfoundation.org\/?p=4539"},"modified":"2021-02-11T12:55:24","modified_gmt":"2021-02-11T12:55:24","slug":"les-objectifs-de-developpement-durable-ne-pourront-etre-atteints-sans-le-concours-de-la-societe-civile","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/wordpress-haf.ddev.site\/les-objectifs-de-developpement-durable-ne-pourront-etre-atteints-sans-le-concours-de-la-societe-civile\/","title":{"rendered":"Les Objectifs De Developpement Durable Ne Pourront Etre Atteints sans Le Concours De La Societe Civile"},"content":{"rendered":"
Par Peter J. Jacques<\/em><\/p>\n La vie et la mort de communaut\u00e9s enti\u00e8res d\u00e9pendent de la r\u00e9alisation des 17 objectifs de d\u00e9veloppement durable (les\u00a0ODD<\/em>) adopt\u00e9s \u00e0 l\u2019unanimit\u00e9 par les Nations Unies en 2015, dont l\u2019\u00e9radication de la pauvret\u00e9, la conservation des for\u00eats et la lutte contre le changement climatique. Prenons, \u00e0 titre d\u2019exemple, le peuple autochtone Amazigh qui vit dans les montagnes autour de Marrakech : ils sont repr\u00e9sentatifs des populations qui ont besoin d\u2019\u00eatre les premiers b\u00e9n\u00e9ficiaires du d\u00e9veloppement durable.<\/p>\n Les Amazighs du Haut Atlas m\u00e8nent des vies rudes dans de petits villages. La plupart travaillent comme journaliers et agriculteurs et per\u00e7oivent des revenus \u00e0 peine suffisants pour subvenir aux besoins de leurs familles et chauffer leurs maisons. L\u2019\u00e9ducation est certes l\u2019une de leurs pr\u00e9occupations majeures, mais elle reste un objectif difficile \u00e0 atteindre pour un certain nombre de raisons. Parfois, les familles ne peuvent pas assumer les co\u00fbts des sacs \u00e0 dos et des livres, m\u00eame lorsque l\u2019\u00e9cole est ouverte et gratuite. Le d\u00e9fi est particuli\u00e8rement difficile pour les filles, car, comme l\u2019a expliqu\u00e9 une personne\u00a0(l\u2019un des membres de la Communaut\u00e9)<\/em>, \u00ab Comment un p\u00e8re peut-il laisser ses filles \u00e9tudier s\u2019il fait nuit, quand elles doivent litt\u00e9ralement voyager\u00a0{pour se rendre \u00e0 l\u2019\u00e9cole}<\/em>\u00a0? \u00bb L\u2019effet d\u2019une \u00e9ducation inachev\u00e9e est profond, et quand nous avons demand\u00e9 \u00e0 un sexag\u00e9naire quels \u00e9taient, selon lui, les plus grandes menaces pour l\u2019avenir de sa communaut\u00e9, il n\u2019avait pas confiance en ses propres exp\u00e9riences, et n\u2019a pu r\u00e9pondre que par : \u00ab Que puis-je dire ? Je ne suis pas \u00e9duqu\u00e9 \u2013\u00a0je ne suis pas all\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9cole<\/em>. \u00bb<\/p>\n Gr\u00e2ce \u00e0 un partenariat entre l\u2019Universit\u00e9 de Floride centrale (Orlando), le Centre Hollings pour le dialogue international (Washington D.C. et Istanbul) et la Fondation du Haut Atlas (Marrakech), nous avons r\u00e9cemment men\u00e9 un travail de terrain dans le Haut Atlas, o\u00f9 nous avons parl\u00e9 aux populations locales qui nous ont ouvert leurs c\u0153urs.<\/p>\n Le message le plus coh\u00e9rent que nous ayons entendu de la part des habitants du Haut Atlas est que leur avenir d\u00e9pendait de l\u2019eau. Un groupe nous a dit que lorsque la pluie est abondante et ponctuelle, tout va pour le mieux ; \u00e0 d\u00e9faut, c\u2019est une tout autre histoire. Ils craignent que le changement climatique ne se r\u00e9percute sur la pluviosit\u00e9 ou que la pluie ne soit \u00ab\u00a0pas\/plus au rendez-vous\u00a0\u00bb. Ils ont en effet de bonnes raisons de s\u2019inqui\u00e9ter, car le changement climatique devrait consid\u00e9rablement impacter les pr\u00e9cipitations, ce qui r\u00e9duirait les cours d\u2019eau, les lacs et les nappes phr\u00e9atiques.<\/p>\n De fait, la s\u00e9cheresse est un souci constant. La Banque mondiale estime que 37% de la population travaille dans l\u2019agriculture, tandis que la production de c\u00e9r\u00e9ales varie \u00e9norm\u00e9ment en raison de la variation annuelle des pr\u00e9cipitations \u2013 l\u2019ann\u00e9e 2018 a heureusement \u00e9t\u00e9 une bonne ann\u00e9e en la mati\u00e8re. Le changement climatique rendra les populations du Haut Atlas beaucoup plus vuln\u00e9rables alors qu\u2019elles vivent d\u00e9j\u00e0 \u00e0 la limite de la survie. Dans l\u2019une des r\u00e9gions \u2013\u00a0NdT\u00a0: que nous avons visit\u00e9es<\/em>\u00a0\u2013, le changement dans le calendrier et dans la quantit\u00e9 des pr\u00e9cipitations \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 perceptible dans la perte importante d\u2019arbres fruitiers. Dans cette m\u00eame r\u00e9gion, on nous a dit qu\u2019il y avait une crainte qu\u2019il n\u2019y ait plus d\u2019eau dans vingt ans et que, pour ces personnes qui sont profond\u00e9ment li\u00e9es \u00e0 la terre, il n\u2019y ait plus \u00ab\u00a0aucune alternative\u00a0\u00bb.<\/p>\n Les populations du Haut Atlas se retrouvent dans une situation extr\u00eamement vuln\u00e9rable. Un groupe nous a confi\u00e9 qu\u2019il avait tellement besoin de ressources de base qu\u2019il br\u00fblait des d\u00e9chets plastiques pour chauffer son eau. Pire encore, ils pensent avoir \u00e9t\u00e9 laiss\u00e9s pour compte par la soci\u00e9t\u00e9 et qu\u2019ils avaient le sentiment que \u00ab les habitants des montagnes ne comptaient pas \u00bb. Ils estiment que la soci\u00e9t\u00e9 marocaine est profond\u00e9ment injuste : il n\u2019y a pas d\u2019aide pour les malades, peu d\u2019aide \u00e0 l\u2019\u00e9ducation, peu de protection contre le froid\u00a0; et que, pour certains, la corruption est la plus grande menace pour un avenir durable.<\/p>\n Par cons\u00e9quent, la soci\u00e9t\u00e9 civile a un r\u00f4le important \u00e0 jouer dans la r\u00e9alisation des objectifs de d\u00e9veloppement durable. La Fondation du Haut Atlas s\u2019emploie \u00e0 aider les habitants de cette r\u00e9gion \u00e0 s\u2019organiser en collectifs qui d\u00e9cident \u00e0 la fois de ce que \u00ab\u00a0le collectif\u00a0\u00bb souhaite et des voies \u00e0 suivre pour atteindre ces objectifs. Les femmes se sont organis\u00e9es en coop\u00e9ratives dont elles sont les propri\u00e9taires et dont elles collectent le fruit\u00a0(les dividendes)<\/em>\u00a0de leur travail\u00a0(leurs produits)<\/em>. Les membres d\u2019une coop\u00e9rative ont constitu\u00e9 un\u00a0lobby<\/em>\u00a0lors de la r\u00e9union sur le climat de la Conf\u00e9rence des Parties de 2015 \u00e0 Marrakech. Des associations d\u2019hommes ont d\u00e9velopp\u00e9 des p\u00e9pini\u00e8res d\u2019arbres qui non seulement g\u00e9n\u00e8rent des revenus, mais prot\u00e8gent \u00e9galement des bassins versants entiers \u2013 et donc leurs r\u00e9serves en eau pour le futur. Ils participent \u00e9galement aux march\u00e9s de la s\u00e9questration du carbone. \u00c0 cet \u00e9gard, le D\u00e9partement r\u00e9gional de l\u2019eau et des for\u00eats de Marrakech leur fournit des caroubiers et l\u2019autorisation de planter ces arbres dans les montagnes entourant leurs villages.<\/p>\n Cependant, l\u2019\u00e9l\u00e9ment le plus important de ces collectifs est peut-\u00eatre qu\u2019ils donnent \u00e0 chacun des membres qui les composent voix au chapitre. Les dirigeants de ces collectifs ont le droit formel de s\u2019adresser directement aux gouvernements r\u00e9gionaux pour conna\u00eetre leurs besoins, et cette voix ne serait pas entendue du tout sans cette organisation formelle en collectif. Ces organisations ne peuvent pas remplacer les services gouvernementaux, mais elles renforcent la capacit\u00e9 de la communaut\u00e9.<\/p>\n Non seulement, ces collectifs donnent aux gens une influence sur leur vie actuelle et sur celle de leurs enfants, mais ils s\u2019aiment et ils ne luttent pas seuls. Nous pouvons t\u00e9moigner d\u2019une profonde solidarit\u00e9. \u00c0 plusieurs reprises, les collectifs nous ont dit : \u00ab Nous nous aimons, nous formons une famille \u00bb, \u00ab Nous sommes comme un \u00bb, \u00ab Nous nous entraidons \u00bb et la conviction que \u00ab je serai avec toi \u2013 \u00e0 tes c\u00f4t\u00e9s \u00bb. Le monde est d\u00e9cid\u00e9ment en pleine mutation, et suit une voie non viable, donc si nous voulons atteindre les objectifs en mati\u00e8re de d\u00e9veloppement durable, tous les peuples comme celui du Haut Atlas doivent compter et leur voix m\u00e9rite d\u2019\u00eatre entendue.<\/p>\n Peter J. Jacques est Professeur de Sciences Politiques \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 de la Floride Centrale \u00e0 Orlando, aux \u00c9tats-Unis.<\/em><\/span><\/p>\n Ci-dessus, des femmes amazighes dans un village avec une association qui cultive une p\u00e9pini\u00e8re d\u2019oliviers. \u2013 Cr\u00e9dit photo : Peter J. Jacques<\/em><\/span><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Par Peter J. Jacques La vie et la mort de communaut\u00e9s enti\u00e8res d\u00e9pendent de la r\u00e9alisation des 17 objectifs de d\u00e9veloppement durable (les\u00a0ODD) adopt\u00e9s \u00e0 l\u2019unanimit\u00e9 par les Nations Unies en 2015, dont l\u2019\u00e9radication de la pauvret\u00e9, la conservation des for\u00eats et la lutte contre le changement climatique. 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